Un petit message de "f58" dans un fil de discussion sur les livres dans le forum de windsurfjournal.com qui citait une partie d'un titre étrange, "La folle invention de Martin d'Estreaux[..]", et son commentaire sous-entendant qu'il s'agissait d'un canular avaient aiguisé ma curiosité.
Après une recherche exhaustive les seuls livres correspondants à ce titre écourté étaient tous d'occasion (édition épuisée) et présentaient un titre complet qui confirmait ma première intuition : "La folle invention de Martin d'Estreaux ou la naissance de la planche à voile en 1913" (Daniel Allisy - Voiles/Gallimard).
Un livre que je ne peux que vous engager à vous procurer tant il est agréable à consulter et vous plonge dans une extraordinaire histoire vraie tout au long du parcours du journal de celui qui l'a vécue au plus près.
Pour les plus impatients un rapide résumé :
Martin d'Estreaux, un jeune homme rentier de bonne famille vivant au début du XXème siècle en Île de France et fréquentant les impressionnistes comme les canotiers, eut l'idée de se faire fabriquer un tout petit voilier pour pouvoir le transporter sur le toit de ses automobiles (nous sommes à l'époque de la De Dion-Bouton, si, si.) et profiter de navigations impromptues sur les eaux intérieures des étangs et cours d'eau lors de ses visites de courtoisie.
Peu au fait de l'architecture navale, il demanda à son ami Philippe Du Revard - architecte réputé pour son talent et ayant travaillé notamment sur les magasins Aux Dames De France - de lui concevoir une "périssoire à voile". Ce dernier s’exécuta avec un certain enthousiasme et ils confièrent la fabrication du bateau à un dénommé Berthier.
Le petit dériveur fonctionnait et apportait presque entière satisfaction à son capitaine si ce n'est une position assez inconfortable pour le barrer lors des virements de bords et autres empannages.
Lors d'une soirée arrosée, nos deux compères se prirent de joute verbale avec leurs amis et Philippe Du Revard rappelant que Gustave Caillebotte, peintre navigateur bien connu, avait parié et gagné qu'il réussirait à diriger un bateau à voile sans gouvernail, Martin d'Estreaux se vit mettre au défi par ses amis de faire de même avec ce qu'il appelait désormais son "Vélivole".
Il n'en fallu pas plus à Philippe Du Revard pour imaginer un gréement mobile, tenu par un homme debout, permettant de déplacer facilement le centre vélique par rapport au plan antidérive du bateau et donc de diriger l'esquif sans autre procédé de gouvernail.
Quelques dessins plus tard, et dès le surlendemain, au cours d'une partie de pique-nique estival, la première véritable planche à voile a navigué. C'était le mardi 26 août 1913.
Vous croyez à un canular ?
Quelques photos tirées du livre (et maintenant dans le domaine public) vous aideront à vous faire votre opinion :
Dessins de différents gréements envisagés pour le "Vélivole" de Martin d'Estreaux par Philippe Du Revard.
Le gréement sur l'herbe, la galère du matériel à re-fixer en navigation, la remontée de la voile au tire-veille : que nous ont-il vraiment laissé découvrir ?
Martin appelait ces fenêtres de passage de mains ses "trous de voyeur". Allez donc savoir pourquoi...
Une chute sur le vif : pas de doute, c'est bien un véliplanchiste à l'entraînement ! ;-)
Tout y est ou presque :
cardan de pied de mât ; dérive pivotante ; mâture creuse (bambous) ; voile à échappement (vrille au pic) ; tire-veille...
Seul le wishbone - pourtant très répandu à cette époque sur les sharpies - a été réfuté pour lui préférer une bôme simple avec passage de mains, probablement pour des raisons de poids !
"Salut les filles !"
Plus de doutes possibles : il s'agit bien là du premier véritable windsurfer ! ;-)
Cette formidable invention a navigué en famille quelques jours de 1913. Hélas en 1914 Martin s'en alla-t-en guerre, et fut tué en 1915. Fin tragique de cette histoire extraordinaire !
Quelques décennies plus tard, des américains du nom de Hoyle Schweitzer et Jim Drake écrivirent les pages d'une autre histoire...
-- Édition du lendemain --
Je me dois de faire une rectification bien amère : ce livre est effectivement un canular :-/
Après quelques messages de gens bien informés sur le forum de windsurfjournal il s’est avéré que ce "Roman Songe" était effectivement un gros mensonge fomenté par une rédaction taquine d'un magazine de glisse non moins plaisantin.
Je précise cette information à la fin de cet article de blog pour éviter de laisser propager derechef cette fausse belle histoire... En espérant que comme moi elle vous aura permis de rêver quelques beaux instants.
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